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Projet de loi « J 21 » - Mesures pénales

Pénal - Procédure pénale, Droit pénal spécial
10/05/2016
Le projet de loi « portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle », désormais « relatif à l'action et groupe et à l'organisation judiciaire », contient des dispositions modifiant substantiellement notre système normatif. Le point sur les mesures pénales, de forme et de fond, de la réforme.
 Initié par Christiane Taubira, préparé depuis plus de deux, le projet de loi pour la justice du XXIe siècle est actuellement en cours d’examen par l’Assemblée nationale, dans le cadre de la procédure accélérée. Après un vote au Sénat le 5 novembre dernier (TA Sénat n°  5, 2015-2016), qui l’avait largement retouché, le texte a été examiné et profondément modifiée par la Commission des lois de l’Assemblée nationale la semaine dernière (Doc. AN n° 3726).

Les mesures pénales de la réforme « J 21 » concernent tout d'abord les mineurs, avec la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs (TCM, ord. 2 févr. 1945, art. 8), qui ont été créés par la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 (JO 11 août) sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale, aux fins de jugement des mineurs de plus de seize ans, poursuivis en état de récidive pour des faits passibles d'au moins trois ans d'emprisonnement. Selon la Chancellerie, les TCM traitent moins de 1 % du contentieux concernant les adolescents.
Ce souhait de suppression de ces juridictions n’est pas neuf : il constituait de l’un des engagements de la dernière campagne présidentielle et était objet d’une proposition de loi enregistrée à l’Assemblée nationale dès le 26 septembre 2012. Plus récemment, à l’occasion du 70e anniversaire de l’ordonnance de 1945, Mme Taubira, alors garde des Sceaux, avait réitéré son souhait à cet égard. La réforme prévoit également, de manière plus discutable, la possibilité de cumuler des peines et des mesures éducatives. La Chancellerie ambitionne dans ce cadre une justice des mineurs « davantage spécialisée » et l’apport de « réponses pénales plus individualisées », le garde des Sceaux rappelant néanmoins dans ce cadre, son attachement à la primauté de l’éducatif.

La réforme touche également de manière substantielle la phase de l'instruction préparatoire, avec la mise en place effective de la collégialité de l'instruction. Rappelons que le remplacement du juge d'instruction par un collège de l'instruction, composé de trois juges, a été instauré par la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale (JO 6 mars). Son entrée en vigueur, initialement prévue le 1er janvier 2010, a été reportée à de multiples reprises, le dernier report prévoyant une mise en place au 1er janvier 2017. La Chancellerie constate pourtant l'impossibilité de mettre en œuvre la réforme envisagée. Outre la question, récurrente, du manque de moyens (création de 300 postes supplémentaires nécessaire, mais inenvisageable actuellement), elle invoque une raison « de fond », liée au caractère systématique de la collégialité, qui serait non seulement une spécificité française, mais aussi « de nature à aboutir à une collégialité de façade qui n'aurait pas permis une un véritable avancée des droits des justiciables ». Ceci, en dépit le sa relative obscurité, justifierait l'amendement déposé par le gouvernement, prévoyant que la collégialité soit décidée uniquement à la demande des parties ou des magistrats, pour « les phases de l'instruction justifiant effectivement qu'une décision soit prise par un collège de trois juges ». Enfin, il est à relever un regroupement des juges d'instruction dans les juridictions dotées de pôles, la fonction étant supprimée au sein des autres juridictions.

Présentée comme la « suite logique de l'accroissement des pouvoirs », il est également prévu de doter le juge des libertés et de la détention (JLD) d'un statut de magistrat spécialisé, à l'instar du juge d'instruction, du juge des enfants ou du juge d'application des peines . Rappelons qu'actuellement, selon l’article 137-1 du Code de procédure pénale, le JLD est un magistrat du siège ayant rang de président, de premier vice-président ou de vice-président, désigné par le président du tribunal de grande instance (TGI). En cas d'empêchement du JLD désigné et d'empêchement du président, ainsi que des premiers vice-présidents et des vice-présidents, le JLD est remplacé par le magistrat du siège le plus ancien dans le grade le plus élevé, désigné par le président du TGI.

La réforme comprend enfin des mesures propres au contentieux routier. Il s'agit de généraliser le recours au dispositif homologué d'anti-démarrage par éthylotest, en permettant la mise en oeuvre de cette mesure dans le cadre du contrôle judiciaire et du sursis avec mise à l’épreuve.  Aujourd'hui, ce dispositif peut être mise en place à titre de peine correctionnelle complémentaire (C. pén., art. 131-6) ou de mesure de composition pénale (C. pr. pén., art. 41-2). Il s'agit également de sanctionner sur contrôle automatisé ou par vidéo, le défaut de port de casque et de ceinture de sécurité, à l'instar du non-respect des vitesses autorisées et des signalisations. Est également prévue, la création d'un délit autonome de faux en écritures, concernant le permis de conduire, passible de 5 ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Enfin, de manière plus contestable, la réforme prévoit la sanction "systématique" des délits de conduite sans permis ou sans assurance par voie d'amende forfaitaire, sauf récidive, réitération et cumul d'infractions. Le gouvernement renonce ainsi à une contraventionnalisation "officielle" de ces faits, qui avait tant fait débat à l'été 2015. Ces faits représentant aux alentours de 10 % du contentieux (source : Chancellerie), la mesure semble intéressante en termes de gestion des flux de dosset de désengorgement des juridictions. Toutefois, d'un point de vue certes moins pragmatique, si la nature délictuelle des faits est maintenue, la modification des sanctions encourues interpelle, au regard de l'échelle des peines et de leur proportionnalité. Notons simplement à cet égard que la conduite sans de permis et le défaut d'assurance sont aujourd'hui respectivement passibles, à titre principal, d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (C. route, art. L. 221-2) et de 3 750 euros d'amende (C. route, art. L. 324-2). L'allègement de la sanction serait donc notable. Mais il convient surtout d'observer, à titre de comparaison, que le montant maximal des amendes encourues en matière contraventionnelles : 750 euros pour les contraventions de 4e classe et 1 500 euros pour celles relevant de la 5e classe (C. pén., art. 131-13), contre 800 euros actuellement prévus dans le projet de réforme (ce montant étant susceptible d'être majoré ou minoré selon les délais de paiement).
Source : Actualités du droit