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Pouvoirs des chambres de l’ instruction sur les requalifications

Pénal - Procédure pénale
22/01/2021
Dans un arrêt du 13 janvier 2021, la Cour de cassation affirme que les chambres de l’instruction peuvent modifier et compléter les qualifications données aux faits sans ordonner une nouvelle information si les chefs retenus ont été compris dans les faits pour lesquels la personne a été mise en examen. 
Une femme se présente au commissariat pour avertir que son mari avait quitté le domicile pour se rendre chez une personne avec laquelle elle était associée dans l’exploitation d’une pharmacie, et rencontrait des difficultés relationnelles et financières. Son mari, lui, « n’était pas dans son état normal » et avait consommé de l’alcool.
 
Les policiers, se rendant au domicile de la personne qui était absente, ont trouvé l’intéressé assis au volant de son véhicule. Invité à descendre, il les a menacés de dégoupiller une grenade et de la leur jeter.
 
Après l’interpellation, les enquêteurs ont constaté la présence d’une arme de point, approvisionnée de six cartouches létales dans le véhicule. L’intéressé déclare spontanément aux policiers être venu pour tuer l’associée de son épouse. Son taux d’alcool est de 0,30 mg/litre.
 
Mis en examen pour tentative de meurtre, il déclare qu’il aurait peut être sorti son arme mais qu’il ne comptait pas l’utiliser. Il est placé sous contrôle judicaire. Le magistrat instructeur dit n’y avoir lieu à suivre contre lui du chef de tentative de meurtre et ordonne son renvoi devant le tribunal correctionnel pour les délits connexes.
 
Un appel est interjeté par la partie civile et le ministère public. La cour d’appel infirme partiellement l’ordonnance attaquée et ordonne le renvoi du mis en examen devant la cour d’assises du chef de tentative d’assassinat. Elle relève qu’en proie à un profond ressentiment envers l’associée de sa femme en raison des relations difficiles et d’une insatisfaction financière, il est venu jusqu’au domicile avec une arme de poing entre les deux sièges du véhicule.
 
Au regard de divers éléments, la chambre de l’instruction déduit que l’intéressé « n’avait pas seulement l’intention de menacer, comme il aurait pu le faire avec une arme non chargée, ou d’exercer des violences physiques sur Mme Y..., mais bien d’attenter à sa vie et ceci de façon irrévocable, compte tenu de la longueur de son attente devant le domicile ».
 
Le mis en examen décide de former un pourvoi en cassation. Il dénonce notamment la requalification des faits en tentative d’assassinat.
 
La Cour de cassation dans un arrêt du 13 janvier 2021, le rejette. En effet, elle affirme que « les chambres de l’instruction peuvent, en application de l’article 202, alinéa 2, du Code de procédure pénale, modifier et compléter les qualifications données aux faits par le ministère public ou le juge d’instruction sans ordonner une nouvelle information si les chefs de poursuite qu’elles retiennent ont été compris dans les faits pour lesquels la personne a été mise en examen par le juge d’instruction ». Les éléments matériels sur lesquels la cour d’appel s’appuie pour caractériser la circonstance aggravante de préméditation ont été discutés lors de l’information donc elle n’avait « l’obligation ni d’ordonner un complément d’information ni de provoquer de nouvelles explications des parties ».
 
Elle précise enfin que « les juridictions d’instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d’une infraction, la Cour de cassation n’ayant d’autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ».
 
Dans un arrêt du 6 août 2003, la Cour de cassation a déjà jugé que les chambres de l’instruction sont investies du pouvoir de modifier et compléter les qualifications données aux faits par le juge d’instruction et peuvent ordonner le renvoi devant la cour d’assises pour des faits pour lesquels le juge avait rendu une ordonnance de non-lieu partiel (Cass. crim., 6 août 2003, n° 03-82.892).
 
 
 
 
Source : Actualités du droit