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Production de l’acte attaqué dans la requête : le Conseil d’État limite la portée de l’obligation

Public - Droit public général
18/12/2023
Le Code de justice administrative prévoit qu’une requête doit à peine d’irrecevabilité être accompagnée de l’acte attaqué ou d’un élément justifiant de l’impossibilité de l’obtenir. En cas de recours contentieux consécutif à un recours hiérarchique ou gracieux, la production de la décision de rejet du recours administratif, ou d’une pièce justifiant de la date de dépôt du recours, en cas de rejet implicite, suffit à remplir cette obligation. C’est ce qu’a déclaré le Conseil d’État dans une décision rendue le 1er décembre 2023.
Dans une décision du 1er décembre 2023 (CE, 1er déc. 2023, n° 466579, Lebon T.), le Conseil d’État est venu largement atténuer l’obligation faite au requérant de produire l’acte attaqué dans sa requête, prévue par le Code de justice administrative (CJA) lorsqu’un recours hiérarchique ou gracieux a été formé auparavant.
 
Dans cette affaire, le requérant demandait l’annulation de deux permis de construire accordés par le maire de sa commune. Après le rejet d’un recours gracieux ainsi que du recours formé devant le tribunal administratif de Nantes, la Cour administrative d’appel (CAA) de Nantes a rejeté les deux requêtes pour irrecevabilité manifeste, faute pour le requérant d’avoir produit les actes attaqués ou d’avoir justifié de l’impossibilité de le faire dans le délai qui lui avait été imparti.
 
Production de l’acte attaqué ou de tout document justifiant des diligences accomplies pour l’obtenir
 
Dans sa décision du 1er décembre 2023, le Conseil d’État rappelle qu’en application de l’article R. 412-1 du Code de justice administrative : « la requête doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l’acte attaqué ».
 
La Haute juridiction annonce qu’il résulte de ces dispositions « qu'une requête est irrecevable et doit être rejetée comme telle lorsque son auteur n'a pas, en dépit d'une invitation à régulariser » produit :
  • soit la décision attaquée,
  • soit, si le requérant attaque une décision de rejet implicite, « la pièce justifiant de la date de dépôt de la demande faite à l'administration »
  • soit, « en cas d'impossibilité, tout document justifiant des diligences qu'il a accomplies pour en obtenir la communication ».
 
Le Conseil rappelle également qu’en cas de recours contentieux consécutif à un recours gracieux ou hiérarchique, lorsque le juge est saisi uniquement de conclusions « dirigées formellement contre le seul rejet de ce recours administratif », il lui appartient « d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale ».
 
Obligation satisfaite par la production de la décision de rejet du recours administratif
 
Si le requérant produit la décision explicite de rejet du recours administratif, ou la pièce justifiant de la date du dépôt du recours administratif en cas de rejet implicite, cette pièce « suffit à assurer le respect des dispositions de l'article R. 412-1 du code de justice administrative tant à l'égard des conclusions dirigées contre le seul recours gracieux ou hiérarchique que, le cas échéant, à l'égard de celles également dirigées contre la décision administrative initiale ou interprétées en ce sens par le juge administratif saisi des seules premières ».
 
Ainsi, il n’est pas nécessaire pour le requérant de produire la décision attaquée dans le cadre du recours administratif. La production de la décision de rejet du recours administratif constitue la production de « l’acte attaqué » au sens des dispositions de l’article R. 412-1 du CJA.
 
Absence de nécessité de produire le permis de construire attaqué
 
En l’espèce, le tribunal administratif a adressé au requérant un courrier lui accordant un délai de quinze jours pour produire les permis de construire dont il demandait l’annulation. Le requérant a produit un courrier adressé au maire par lequel son avocat demandait la communication des permis ainsi que les courriers du maire rejetant ses deux recours hiérarchiques. La CAA a alors considéré qu’il n’avait pas « justifié des diligences accomplies pour obtenir la communication des permis de construire attaqués », et a ainsi commis, pour le Conseil, une erreur de droit.
 
Le Conseil déclare que le requérant avait « suffisamment satisfait aux exigences de l'article R. 412-1 du code de justice administrative en produisant, dès la présentation de ses requêtes, les décisions rejetant explicitement les recours gracieux qu'il avait formés contre les permis de construire litigieux »
 
Il ajoute que le requérant avait également adressé un document justifiant de l’impossibilité d’obtenir le permis en produisant un courrier de demande au maire. Ainsi, les ordonnances du tribunal administratif sont entachées d’irrégularité, et le requérant est fondé à en demander l’annulation.
Source : Actualités du droit