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Redressement de la Justice : le Sénat en marche !
Civil - Procédure civile et voies d'exécution
20/07/2017
Dans la continuité de son rapport présenté en avril dernier, le Sénat, en la personne de Philippe Bas, président de la commission des lois, a présenté le 20 juillet 2017 deux propositions de loi – une d’orientation et de programmation, l’autre organique – pour le redressement de la justice.
Le 4 avril 2017, la mission d’information sur le redressement de la justice de la commission des lois du Sénat présentait un rapport contenant 127 propositions destinées à sauver notre justice en cinq ans (voir notre actualité du 05/04/17 : Redressement de la justice : le Sénat voit au-delà de la présidentielle »). Sans attendre une initiative du gouvernement, le Sénat a décidé de passer à l’étape suivante en traduisant les mesures législatives préconisées par ce rapport dans deux textes, qui devraient être inscrits dans son agenda du mois d’octobre.
Une impérieuse nécessité d’agir vite
Le Sénat veut « forcer » le calendrier gouvernemental, dans l’intérêt de la Justice, et jouer ainsi pleinement son rôle de « chambre de réflexion », de « forge de consensus », comme l’a indiqué Philipe Bas. Il s’agit de ne pas louper le coche : « On ne peut pas attendre 2018, comme l’a annoncé le Premier ministre, pour examiner une loi de programmation des moyens de la justice, a fortiori après l’adoption d’une loi de programmation des finances publiques qui aura déjà fixé l’évolution des budgets des différents ministères sur cinq ans ». Cela reviendrait à « l'amputer de son premier wagon, c'est-à-dire du budget 2018 ».
Il y a urgence à agir : Philippe Bas en est convaincu. « Nous n’avons plus qu’une période très courte pour redresser la Justice. Après quoi il sera tard, la confiance fraîchement restaurée sera à nouveau perdue. » D’autant que depuis cette semaine, les crédits ont été gelés et qu’aucun collectif budgétaire n’est prévu pour pallier ce problème. Ce qui signifie le retour à une gestion budgétaire qualifiée de « chaotique » par Philippe Bas, avec son corollaire préjudiciable au budget de la Justice : un refus de prestation, surtout pour l’immobilier de justice ou une majoration des factures par les prestataires pour compenser le retard de paiement inévitable.
Ces textes correspondent aux propositions des candidats à l’élection présidentielle, et plus particulièrement à celles d’Emmanuel Macron, a rappelé Philippe Bas. Or, aujourd’hui, ce dernier n’a pas chiffré ses engagements. Le Sénat l’a fait en réalisant des « calculs au plus juste » : sur la période 2017-2022, il demande une augmentation du budget de presque 28 %, ce qui représente un taux annuel moyen de progression des crédits de 5 %.
Ces deux lois sont des « lois du nécessaire » : c’est une erreur de croire que la Justice bénéficie d’une rente. Les justiciables règleront, grâce à Internet, leurs différends hors le juge, avec le danger pour la Justice d’assister à une « dégradation de ses modes de régulation ».
Réformer l’organisation et le fonctionnement de la justice
L’augmentation du budget de la Justice doit permettre la création de 15 000 places de prison supplémentaires, mais surtout la résorption du nombre de postes vacants de magistrats et la mise à niveau des effectifs des services judiciaires et pénitentiaires : il y a quelques 13 500 postes à pourvoir !
Corollaire indispensable des engagements budgétaires de l’État, la proposition de loi d’orientation et de programmation comporte les réformes législatives, toutes issues du rapport d’avril dernier.
Il est ainsi prévu de créer progressivement un tribunal unique départemental de première instance, sorte de « guichet unique », issu de la fusion du tribunal de grande instance et des tribunaux d’instance de son ressort, autour de la notion de taille efficiente de juridiction. Aucune remise en cause des implantations judiciaires actuelles (mise en place de chambres détachées) n'est envisagée. Objectif : simplifier l’accès au service public de la justice et renforcer sa proximité pour le justiciable dans le traitement des contentieux de la vie courante, tout en permettant une meilleure gestion des moyens. Le chef de juridiction décidera de l’organisation, qui pourra donc être différente d’un tribunal à l’autre.
La conciliation sera également développée par :
– d’une part, un renforcement du rôle des conciliateurs, en donnant force exécutoire aux accords trouvés dans ce cadre et en permettant à ces derniers, en cas d’échec, de proposer une solution au juge pour trancher rapidement le litige, ainsi qu’en programmant le recrutement de 1 500 conciliateurs avec une revalorisation de leur indemnisation ;
– d’autre part, la création de la fonction de « délégué du juge », parmi les greffiers et les juristes assistants, auxquels serait déléguée la mission de conciliation du juge.
Afin de maîtriser les frais de justice, et tout particulièrement l’aide juridictionnelle, Philippe Bas demande également que soit appliquée une règle existante qui prévoit de vérifier préalablement à l’octroi de cette aide, que l’affaire pour laquelle elle est demandée est suffisamment sérieuse. La proposition de loi prévoit donc la mise en place d’une consultation préalable obligatoire d’un avocat avant toute demande d’aide juridictionnelle : les avocats seront rémunérés par la création d’un droit de timbre de 50 euros maximum. Dans la même optique, le rapport annexé à cette loi préconise la création d’un nouveau type de contrat d’assurance de protection juridique responsable, assurant une prise en charge plus large en contrepartie de l’attribution d’un avantage fiscal aux justiciables qui le souscriront.
Autre point important, le texte prévoit un encadrement plus précis de l’open data des décisions de justice et de son exploitation par les outils de « justice prédictive » (pour éviter, par exemple, le « profilage » d’un juge), comme de l’activité des prestataires d’aide à la saisine des juridictions ou de résolution des litiges en ligne, ainsi que la mise en place d’un service public gratuit en ligne d’aide à la résolution amiable des litiges.
Mieux gérer les crédits et le personnel de la Justice
Il est ainsi indispensable pour Philippe Bas, de « développer une véritable gestion des ressources humaines de la magistrature », pour éviter, entre autres, d’avoir comme en 2016, un turnover de 25 %, et de sanctuariser les crédits alloués à la Justice.
La proposition de loi organique prévoit donc des réformes structurelles touchant au statut de la magistrature et aux crédits de l’autorité judiciaire, qui sont elles aussi issues du rapport de la mission d’information.
On retiendra notamment :
– la création d’une clause anti-gel des crédits alloués à l’autorité judiciaire, autorité de rang constitutionnel, par une modification de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
– la mise en place d’une durée minimale de trois ans, portée à quatre ans pour les fonctions spécialisées lors de la première affectation (lutte contre le turnover), et d’une durée maximale de dix ans (lutte contre la « sédentarisation ») d’affectation des magistrats dans la même juridiction ;
– la définition de critères de sélection pour la nomination des chefs de cour et chefs de juridiction, orientés sur les compétences d’administration et d’encadrement, et la formation à la prise de fonction ;
– la mise en place de parcours d’excellence pour les jeunes magistrats du siège, leur permettant d’être placés auprès d’un magistrat expérimenté, dans le cadre ponctuel du traitement d’affaires complexes ou dans des postes créés à cette fin dans certaines juridictions spécialisées.
Étudier d’autres pistes d’amélioration
Un rapport annexé à la proposition de loi d’orientation et de programmation présente enfin des améliorations à apporter à l’organisation de la Justice, qui se traduisent par des mesures non législatives.
En premier lieu, il est recommandé à la Chancellerie de changer sa méthode de travail pour contenir l’inflation législative : il lui faut développer les études d’impact... préalables ! À l’heure actuelle, ces études sont réalisées pour justifier un projet de loi déjà rédigé… alors qu’elles devraient être menées en amont, pour s’assurer de l’utilité d’un nouveau texte.
En deuxième lieu, il est également temps, pour Philippe Bas, d’envisager une « déconcentration des responsabilités, notamment pour la gestion budgétaire » : les juridictions doivent avoir une autonomie budgétaire.
Enfin, il est préconisé de mettre en place un nouveau modèle de cour d’appel, reposant sur la notion de taille efficiente de juridiction, de simplifier et dématérialiser des procédures en matière civile, de mettre à niveau l’informatique judiciaire civile et pénale, ou encore de définir un programme pluriannuel de maintenance et d’entretien de l’immobilier judiciaire.
Philippe Bas devait rencontrer ce même jour la ministre de la Justice pour lui présenter ces textes et la convaincre de l’urgence d’agir, pour que la loi de programmation de la Justice soit intégrée dans la future de loi de programmation des finances publiques.
Une impérieuse nécessité d’agir vite
Le Sénat veut « forcer » le calendrier gouvernemental, dans l’intérêt de la Justice, et jouer ainsi pleinement son rôle de « chambre de réflexion », de « forge de consensus », comme l’a indiqué Philipe Bas. Il s’agit de ne pas louper le coche : « On ne peut pas attendre 2018, comme l’a annoncé le Premier ministre, pour examiner une loi de programmation des moyens de la justice, a fortiori après l’adoption d’une loi de programmation des finances publiques qui aura déjà fixé l’évolution des budgets des différents ministères sur cinq ans ». Cela reviendrait à « l'amputer de son premier wagon, c'est-à-dire du budget 2018 ».
Il y a urgence à agir : Philippe Bas en est convaincu. « Nous n’avons plus qu’une période très courte pour redresser la Justice. Après quoi il sera tard, la confiance fraîchement restaurée sera à nouveau perdue. » D’autant que depuis cette semaine, les crédits ont été gelés et qu’aucun collectif budgétaire n’est prévu pour pallier ce problème. Ce qui signifie le retour à une gestion budgétaire qualifiée de « chaotique » par Philippe Bas, avec son corollaire préjudiciable au budget de la Justice : un refus de prestation, surtout pour l’immobilier de justice ou une majoration des factures par les prestataires pour compenser le retard de paiement inévitable.
Ces textes correspondent aux propositions des candidats à l’élection présidentielle, et plus particulièrement à celles d’Emmanuel Macron, a rappelé Philippe Bas. Or, aujourd’hui, ce dernier n’a pas chiffré ses engagements. Le Sénat l’a fait en réalisant des « calculs au plus juste » : sur la période 2017-2022, il demande une augmentation du budget de presque 28 %, ce qui représente un taux annuel moyen de progression des crédits de 5 %.
Ces deux lois sont des « lois du nécessaire » : c’est une erreur de croire que la Justice bénéficie d’une rente. Les justiciables règleront, grâce à Internet, leurs différends hors le juge, avec le danger pour la Justice d’assister à une « dégradation de ses modes de régulation ».
Réformer l’organisation et le fonctionnement de la justice
L’augmentation du budget de la Justice doit permettre la création de 15 000 places de prison supplémentaires, mais surtout la résorption du nombre de postes vacants de magistrats et la mise à niveau des effectifs des services judiciaires et pénitentiaires : il y a quelques 13 500 postes à pourvoir !
Corollaire indispensable des engagements budgétaires de l’État, la proposition de loi d’orientation et de programmation comporte les réformes législatives, toutes issues du rapport d’avril dernier.
Il est ainsi prévu de créer progressivement un tribunal unique départemental de première instance, sorte de « guichet unique », issu de la fusion du tribunal de grande instance et des tribunaux d’instance de son ressort, autour de la notion de taille efficiente de juridiction. Aucune remise en cause des implantations judiciaires actuelles (mise en place de chambres détachées) n'est envisagée. Objectif : simplifier l’accès au service public de la justice et renforcer sa proximité pour le justiciable dans le traitement des contentieux de la vie courante, tout en permettant une meilleure gestion des moyens. Le chef de juridiction décidera de l’organisation, qui pourra donc être différente d’un tribunal à l’autre.
La conciliation sera également développée par :
– d’une part, un renforcement du rôle des conciliateurs, en donnant force exécutoire aux accords trouvés dans ce cadre et en permettant à ces derniers, en cas d’échec, de proposer une solution au juge pour trancher rapidement le litige, ainsi qu’en programmant le recrutement de 1 500 conciliateurs avec une revalorisation de leur indemnisation ;
– d’autre part, la création de la fonction de « délégué du juge », parmi les greffiers et les juristes assistants, auxquels serait déléguée la mission de conciliation du juge.
Afin de maîtriser les frais de justice, et tout particulièrement l’aide juridictionnelle, Philippe Bas demande également que soit appliquée une règle existante qui prévoit de vérifier préalablement à l’octroi de cette aide, que l’affaire pour laquelle elle est demandée est suffisamment sérieuse. La proposition de loi prévoit donc la mise en place d’une consultation préalable obligatoire d’un avocat avant toute demande d’aide juridictionnelle : les avocats seront rémunérés par la création d’un droit de timbre de 50 euros maximum. Dans la même optique, le rapport annexé à cette loi préconise la création d’un nouveau type de contrat d’assurance de protection juridique responsable, assurant une prise en charge plus large en contrepartie de l’attribution d’un avantage fiscal aux justiciables qui le souscriront.
Autre point important, le texte prévoit un encadrement plus précis de l’open data des décisions de justice et de son exploitation par les outils de « justice prédictive » (pour éviter, par exemple, le « profilage » d’un juge), comme de l’activité des prestataires d’aide à la saisine des juridictions ou de résolution des litiges en ligne, ainsi que la mise en place d’un service public gratuit en ligne d’aide à la résolution amiable des litiges.
Mieux gérer les crédits et le personnel de la Justice
Il est ainsi indispensable pour Philippe Bas, de « développer une véritable gestion des ressources humaines de la magistrature », pour éviter, entre autres, d’avoir comme en 2016, un turnover de 25 %, et de sanctuariser les crédits alloués à la Justice.
La proposition de loi organique prévoit donc des réformes structurelles touchant au statut de la magistrature et aux crédits de l’autorité judiciaire, qui sont elles aussi issues du rapport de la mission d’information.
On retiendra notamment :
– la création d’une clause anti-gel des crédits alloués à l’autorité judiciaire, autorité de rang constitutionnel, par une modification de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
– la mise en place d’une durée minimale de trois ans, portée à quatre ans pour les fonctions spécialisées lors de la première affectation (lutte contre le turnover), et d’une durée maximale de dix ans (lutte contre la « sédentarisation ») d’affectation des magistrats dans la même juridiction ;
– la définition de critères de sélection pour la nomination des chefs de cour et chefs de juridiction, orientés sur les compétences d’administration et d’encadrement, et la formation à la prise de fonction ;
– la mise en place de parcours d’excellence pour les jeunes magistrats du siège, leur permettant d’être placés auprès d’un magistrat expérimenté, dans le cadre ponctuel du traitement d’affaires complexes ou dans des postes créés à cette fin dans certaines juridictions spécialisées.
Étudier d’autres pistes d’amélioration
Un rapport annexé à la proposition de loi d’orientation et de programmation présente enfin des améliorations à apporter à l’organisation de la Justice, qui se traduisent par des mesures non législatives.
En premier lieu, il est recommandé à la Chancellerie de changer sa méthode de travail pour contenir l’inflation législative : il lui faut développer les études d’impact... préalables ! À l’heure actuelle, ces études sont réalisées pour justifier un projet de loi déjà rédigé… alors qu’elles devraient être menées en amont, pour s’assurer de l’utilité d’un nouveau texte.
En deuxième lieu, il est également temps, pour Philippe Bas, d’envisager une « déconcentration des responsabilités, notamment pour la gestion budgétaire » : les juridictions doivent avoir une autonomie budgétaire.
Enfin, il est préconisé de mettre en place un nouveau modèle de cour d’appel, reposant sur la notion de taille efficiente de juridiction, de simplifier et dématérialiser des procédures en matière civile, de mettre à niveau l’informatique judiciaire civile et pénale, ou encore de définir un programme pluriannuel de maintenance et d’entretien de l’immobilier judiciaire.
Philippe Bas devait rencontrer ce même jour la ministre de la Justice pour lui présenter ces textes et la convaincre de l’urgence d’agir, pour que la loi de programmation de la Justice soit intégrée dans la future de loi de programmation des finances publiques.
Source : Actualités du droit