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Covid-19 : des « mesures exceptionnelles » pour les détenus

Pénal - Peines et droit pénitentiaire
19/03/2020
Alors que la ministre de la Justice prenait des mesures restrictives pour éviter la propagation du virus Covid-19 en prison, des professionnels ont alerté sur les risques et ont demandé la réduction de la surpopulation. En réponse, elle annonce la mise en place de « mesures exceptionnelles » pour accompagner ces restrictions. 
Le 15 mars, la garde des Sceaux avait annoncé que « les mesures de prévention seront renforcées » dans les établissements pénitentiaires. La liste des mesures n’a, depuis, cessé de s’allonger.
 
Pour rappel, la ministre a décidé:
  • que les parloirs soient suspendus pour une durée de 15 jours ;
  • que les activités en milieu confiné soient suspendues ;
  • que les promenades et activités sportives en plein air ou en espace non confiné soient maintenues avec « les aménagements nécessaires » ;
  • que les transferts administratifs de détenus soient suspendus (sauf mesures d’ordre et de sécurité) et que les extractions judiciaires soient réduites ;
  • et que les entretiens individuels, visites à domicile et prises en charge collectives dans les SPIP soient suspendus.
 
Concernant le travail et la formation professionnelle, la ministre de la Justice qui avait affirmé leur maintien « avec les aménagements nécessaires », a finalement reconnu que « la limitation stricte des déplacements va, de manière très concrète, empêcher les intervenants extérieurs de se rendre en détention (travail, formation professionnelle, activités socio-culturelles et d’enseignement, etc.) » (v. Covid-19 : quid des établissements pénitentiaires ?, Actualités du droit, 18 mars 2020). Les détenus se retrouvent alors privés des différentes activités. 
 
Des professionnels vent debout contre ces mesures
Des professionnels ont rapidement réagit et ont dénoncé ces différentes restrictions. L’Observatoire international des prisons demandait dès le 17 mars « de réduire drastiquement le nombre de détenus dans les prisons en aménageant toutes les peines qui sont de courte durée et celles de détenus âgés ».
 
Le Contrôleur général des lieux de privations de liberté appelait de son côté à ce que « des mesures immédiates et concrètes soient prises pour la protection des personnes privées de libertés et de leurs droits ». Notamment la réduction du nombre de la population pénale à un niveau qui ne soit pas supérieur à la capacité d’accueil des établissements pénitentiaires.
 
Demande appuyée par le Syndicat des avocats de France (SAF), l’Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), l’Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP), l’Observatoire international des prisons-section française (OIP-SF), et le Syndicat de la magistrature (SM) qui ont publié un communiqué commun. Ils affirment qu’« il est aujourd'hui urgent, pour limiter les risques de crise sanitaire en détention, de réduire drastiquement le nombre de personnes détenues ». Pour eux, « la situation des établissements pénitentiaires français ne permet pas aujourd'hui de faire face à la crise du coronavirus ». Le confinement risquerait « d’accroître fortement les tensions et de déclencher des émeutes ». Ainsi ils demandent à ce que les personnes qui peuvent l'être, sortent ces établissements surpeuplés.

Ces différents acteurs tiennent à rappeler qu’en Italie, « où les parloirs avaient été brutalement suspendus le 9 mars dernier, des mutineries ont immédiatement éclaté dans 27 prisons, entraînant la mort de 12 détenus et laissant 40 surveillants blessés ».
 
Des mesures d'accompagnement mises en place par la garde des Sceaux
La Ministre de la justice a reconnu dans un communiqué publié le 19 mars que « l’entrée en vigueur des mesures générales de confinement a des conséquences sur la vie quotidienne des détenus ».
 
Elle a alors annoncé la mise en place des mesures exceptionnelles qui s’appliqueront dès le 23 mars, à savoir :
  • un crédit de 40 euros par mois sur le compte téléphonique de chaque détenu jusqu’à la fin du confinement (ce qui correspond à 11 heures de communications en France métropolitaine vers un téléphone fixe ou à 5 heures vers un téléphone portable) ;
  • un service de messagerie téléphonique sera ouvert aux familles via un numéro non surtaxé ;
  • la gratuité de la télévision assurée pendant cette période ;
  • une aide majorée de 40 euros par mois pour les détenus les plus démunis leur permettant de cantiner.
 
Quant à la surpopulation, la Garde des sceaux a demandé « aux juridictions de différer la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement ». Précisant que les effets sont déjà visibles, « on comptabilise ces derniers jours une trentaine d’entrées en prison quotidiennes contre plus de 200 habituellement » conclut-elle. Ces mesures vont-elles suffire ?
Source : Actualités du droit