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Covid-19 : l’obligation d’obtenir une autorisation avant d’organiser une manifestation est suspendue

Public - Droit public général
10/07/2020
Dans une ordonnance rendue le 6 juillet 2020, le Conseil d’État a suspendu l’obligation d’obtenir une autorisation avant d’organiser une manifestation prévue par les dispositions du I et du II bis de l’article 3 du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
Le 13 juin 2020, par ordonnance (CE, ord., 13 juin 2020, nos 440846, 440856 et 441015), le juge des référés du Conseil d’État a suspendu l’interdiction générale et absolue de manifester qui découlait de l’article 3 du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 interdisant les rassemblements de plus de dix personnes dans l’espace public (v. Covid-19 : l’interdiction de manifester suspendue par le Conseil d’État, Actualités du droit, 16 juin 2020).

Prenant acte de cette décision, le texte contesté a été modifié par le décret n° 2020-759 du 21 juin 2020 publié au Journal officiel du 22 juin. Il prévoit désormais la non application de l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes aux manifestations autorisées par le préfet du département. Le décret n° 2020-724 du 14 juin 2020 a mis fin à l’interdiction de manifester (v. Covid-19 : toute la France métropolitaine passe en zone verte, Actualités du droit, 15 juin 2020). Cependant, les manifestations restent soumises à autorisation du préfet.
 
En l’espèce, plusieurs syndicats et associations, sur le fondement des articles L. 521-2 et L. 521-3 du code de justice administrative, ont saisi le juge des référés du Conseil d’État afin d’obtenir la suspension de l’exécution de l’article 3 du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 et de l’article 1er du décret n° 2020-724 du 14 juin 2020. Les requérants soutenaient que ces dispositions portaient une atteinte grave et disproportionnée à leur liberté de manifester et de se réunir.

Une mesure disproportionnée à l’objectif de préservation de la santé publique

Pour la Haute juridiction, la situation sanitaire continue de justifier des mesures de prévention et notamment les « mesures barrières ». Elle relève également « la complexité particulière de l’organisation, dans le respect de ces mesures, de manifestations publiques sur la voie publique ».

Cependant, elle rappelle qu’en vertu de l’article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure, toute manifestation sur la voie publique demeure soumise à l’obligation d’une déclaration préalable. Au surplus, toute manifestation peut être interdite en application de l’article L. 211-4 du même code par l’autorité investie des pouvoirs de police ou, à défaut, par le représentant de l’État lorsqu’elle est de nature à troubler l’ordre public notamment en cas de non-respect des précautions sanitaires.

Elle rappelle également que des dispositions existantes, les articles R. 644-4 et 431-3 du code pénal permettent à l’autorité investie des pouvoirs de police d’interdire une manifestation susceptible de créer un risque sanitaire excessif et ce, sous le contrôle du juge administratif. En outre, le régime prévu par le décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 s’exerce sans préjudice des interdictions pouvant être prononcées en vertu du code de la sécurité intérieure et la déclaration adressée par les organisateurs de la manifestation au préfet du département, conformément à l’article L. 211-2 du code de la sécurité intérieure, tient lieu de demande d’autorisation. Dans ces conditions, pour le Conseil d’État, « le pouvoir réglementaire a superposé la procédure d’autorisation qu’il a instituée, en l’absence de laquelle toute manifestation de plus de dix personnes est interdite, à la procédure de déclaration prévue par le code de la sécurité intérieure, en vertu de laquelle toute manifestation déclarée est libre en l’absence de décision d’interdiction prise par l’autorité de police ».

Il résulte de cette superposition que tant que le préfet ne s’est pas prononcé sur la demande d’autorisation dont il est réputé être saisi par le dépôt de la déclaration, la manifestation demeure interdite. De surcroît, aucun délai n’est fixé au préfet pour prendre une décision même implicite sur la demande d’autorisation rendant difficile un recours devant le juge administratif avant la date de la manifestation.

Les dispositions du I et du II bis de l’article 3 du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 constituent ainsi une mesure disproportionnée à l’objectif de préservation de la santé publique qu’elles poursuivent en ce qu’elles s’appliquent aux rassemblements soumis à l’obligation de déclaration préalable. Leur exécution est suspendue.
 
Une interdiction nécessaire, adaptée et justifiée des rassemblements de plus de 5 000 personnes

L’article 3, V du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 prévoit l’interdiction de tout évènement de plus de 5 000 personnes jusqu’au 31 août 2020.

Sur ce point, le Conseil d’État relève que le Haut conseil de la santé publique a, dans son avis relatif aux conditions d’accueil d’évènements de grande ampleur rendu le 17 juin 2020, rappelé que « les rassemblements de masse peuvent amplifier la transmission du Covid-19 et indiqué que le risque de transmission semble être proportionnel à la proximité et à la fréquence des interactions entre un individu infecté et un individu non infecté ».

Ainsi, en l’état de la situation épidémiologique nationale évaluée notamment par Santé publique France, l’interdiction générale et absolue de toute manifestation sur la voie publique réunissant plus de 5 000 personnes constitue une atteinte nécessaire, adaptée et proportionnée à la liberté de manifester.
 
Source : Actualités du droit