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Décharge totale d’activité pour l’exercice d’un mandat syndical : quid de l’avancement ?

Public - Droit public général
07/10/2020
Dans un arrêt rendu le 25 septembre 2020, le Conseil d’État déclare que les fonctionnaires bénéficiant d’une décharge totale d’activité du fait de l’exercice d’un mandat syndical ne bénéficient pas d’un droit automatique à l’avancement mais sont soumis aux mêmes procédures que les autres fonctionnaires.
La législation protège les fonctionnaires bénéficiant d’une décharge totale de service pour l’exercice d’un mandat syndical, comme l’a rappelé la rapporteure publique Sophie Roussel dans ses conclusions sur l’affaire. Toutefois, cette protection ne peut pas conduire à avantager ces fonctionnaires par rapport aux autres, et a fortiori pour un avancement sur un emploi fonctionnel, comme l’a affirmé le Conseil d’État dans un arrêt rendu le 25 septembre (CE, 25 sept. 2020, n° 431200).
 
Un fonctionnaire de l’État, titulaire du grade de cadre supérieur de second niveau au sein de la société Orange, bénéficiait d’une décharge d’activité de service pour exercer le mandat de délégué syndical. L’agent avait demandé une promotion à titre syndical sur un emploi supérieur de premier niveau et s’était vu opposer un rejet de la part de la directrice des affaires sociales de la société Orange.
 
Le fonctionnaire a pu obtenir en appel l’annulation de cette décision, ainsi qu’une injonction à son employeur de procéder au réexamen de sa demande. La société Orange se pourvoir en cassation contre cet arrêt.
 
Équivalence entre les fonctionnaires bénéficiant d’une décharge et les autres
 
La difficulté était que le fonctionnaire demandait un avancement sur un emploi fonctionnel, qui ne dépend pas de l’ancienneté mais s’obtient au choix de l’employeur.
 
Il existe un droit à un déroulement de carrière équivalent entre les fonctionnaires bénéficiant d’une décharge syndicale et les autres fonctionnaires, affirmé par l’article 59 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant statut de la Fonction publique de l’État, en vigueur au moment des faits (abrogé par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016) qui prévoyait : « L'avancement des fonctionnaires bénéficiant, pour l'exercice de mandats syndicaux, d'une décharge d'activité de service accordée pour une quotité minimale de temps a lieu sur la base de l'avancement moyen des fonctionnaires du corps auquel les intéressés appartiennent. Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article ».
 
L’article 9 du décret du 29 juillet 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables au corps des cadres supérieurs de France Télécom prévoit les conditions d’accès des cadres supérieurs de second niveau détachés sur des emplois supérieurs de France Télécom à des échelons fonctionnels de leur grade.
 
Les juges d’appel avaient considéré que la société Orange, « pour assurer à l’intéressé un déroulement de carrière équivalent à celui des autres fonctionnaires relevant du même statut particulier en termes d’avancement », aurait dû examiner la demande du fonctionnaire « au regard de l’avancement moyen constaté pour l’ensemble de ses collègues au même échelon ».
 
Pas de droit automatique à l’avancement
 
Toutefois, selon la Haute cour, « si les dispositions de l'article 59 de la loi du 11 janvier 1984 visent à garantir aux fonctionnaires bénéficiant d'une décharge totale de service pour l'exercice de mandats syndicaux un déroulement de carrière équivalent à celui des autres fonctionnaires relevant du même statut particulier et à les prémunir contre des appréciations défavorables qui pourraient être liées à l'exercice de leur mandat syndical, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de soustraire les fonctionnaires concernés aux procédures d'avancement qui s'appliquent à tous les fonctionnaires, ni de leur reconnaître un droit automatique à l'avancement ».
 
Ainsi, les fonctionnaires bénéficiant d’une décharge totale de service doivent se soumettre aux mêmes procédures d’avancement que les autres fonctionnaires.
 
Pas de droit à nomination sur un emploi fonctionnel
 
Si les bénéficiaires d’une décharge d’activité sont soumis aux mêmes procédures pour l’avancement, c’est le cas, a fortiori, pour les emplois fonctionnels. En l’espèce, c’est bien à un emploi fonctionnel que prétendait l’agent. Or, déclare le Conseil d’État, les dispositions de l’article 59 de la loi du 11 janvier 1984 ne garantissent pas aux fonctionnaires exerçant un mandat syndical « un droit à nomination sur un emploi fonctionnel », pas plus qu’un « droit d'accès " sur la base de l'avancement moyen " aux échelons fonctionnels qui y sont directement rattachés ».
 
La rapporteure publique Sophie Roussel avait rappelé dans ses conclusions que l’équivalence était « la seule garantie conférée par la protection de la liberté syndicale », et que le raisonnement des juges d’appel conduisait à « excéde(r) la simple équivalence ». Or, les bénéficiaires d’une décharge n’ont pas à être traités de manière plus favorable que les autres, mais uniquement de façon équivalente. Suivant ce raisonnement, le Conseil d’État annule l’arrêt d’appel et renvoie l’affaire à la cour administrative d’appel de Versailles.
Source : Actualités du droit