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Banqueroute et procédures collectives : quand commence à courir le délai de prescription ?

Pénal - Procédure pénale
27/11/2020
Dans un arrêt du 25 novembre 2020, la Cour de cassation précise que lorsque le détournement constitutif du délit de banqueroute a été réalisé postérieurement au jugement ouvrant une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le délai de prescription court à compter de la date de commission des faits, sauf s’il est établi que l’infraction a été délibérément dissimulée.
Un créancier d’une entreprise adresse un courrier au procureur de la République, le 18 novembre 2011, pour l’informer d’un litige l’opposant à une entreprise individuelle de maîtrise d’œuvre. Cette dernière est placée en redressement judiciaire le 13 novembre 2002 puis une procédure de liquidation judiciaire est ouverte le 27 mars 2009.
 
Entre avril 2008 et mars 2009, des virements ont été effectués par cette entreprise au profit d’une autre, gérée par le même homme. Cette deuxième entreprise avait obtenu en 2006 un crédit immobilier lui permettant d’acquérir un terrain et d’y faire édifier une maison d’habitation, devenue à la fois le siège social de la société et la résidence principe du gérant et de son épouse.
 
Le gérant est condamné par le tribunal correctionnel du chef de banqueroute et cette seconde société du chef de recel. Un appel est interjeté. Le prévenu soulève une exception de prescription.
 
La cour d’appel déclare le gérant coupable de banqueroute par détournement d’actif au préjudice de son entreprise individuelle d’avril 2008 à mars 2009 et écarte l’exception de prescription. En effet, elle relève que le délai de prescription commence à courir le 18 novembre 2011, « jour de la dénonciation des faits au procureur de la République effectuée par l’un des créanciers de l’entreprise, date à partir de laquelle le ministère public a fait diligenter une enquête ». Ainsi, la période de prévention antérieure ne peut être atteinte par les délais de prescriptions et les différents actes d’enquête à compter de cette date ont interrompu la prescription jusqu’à la citation renvoyant les prévenus devant le tribunal correctionnel. « La prescription n’a donc jamais été acquise ».
 
Un pourvoi est formé. Dans un arrêt du 25 novembre 2020, la Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel.
 
La Haute juridiction rappelle que :
- l’article L. 654-2 du Code de commerce dispose qu’ « en cas d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, constitue notamment le délit de banqueroute le fait d’avoir détourné tout ou partie de l’actif du débiteur », ce délit ne constituant pas une infraction occulte ;
- l’article L.654-16 du même Code prévoit qu’ « en matière de banqueroute, la prescription de l’action publique ne court que du jour du jugement ouvrant la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire lorsque les faits incriminés sont apparus avant cette date ».
 
Selon elle, le report du point de départ de la prescription se justifie par le fait que l’exercice de poursuites du chef de banqueroute est subordonné à l’ouverture d’une procédure collective.
 
Ainsi, lorsque les faits sont apparus entre le jour du jugement ouvrant une procédure de redressement et le jour du jugement prononçant la liquidation, comme en l’espèce, « il n’y a pas lieu de repousser le point de départ du délai de prescription à la date de cette seconde décision ».
 
La Cour conclut donc que « lorsque le détournement constitutif du délit de banqueroute a été réalisé postérieurement au jugement ouvrant une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le délai de prescription court, en application du dernier des textes susvisés (l’article 8 du Code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017), à compter de la date de commission des faits, sauf s’il est établi que l’infraction a été délibérément dissimulée ».
 
La cour d’appel n’a donc pas caractérisé l’existence d’une dissimulation de nature à retarder le point de départ de la prescription.
 
 
Source : Actualités du droit